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5 - CADEAU DE NOEL

Dernière mise à jour : 10 sept. 2021


Illustration @mehdi_ange_r (INSTAGRAM)

Bizarrement, les premiers jours après avoir découvert ma séropositivité, je n’imaginais pas du tout en parler à mes parents. L’une des choses les plus difficiles pour moi à faire était d’informer mon entourage. J’avais déjà beaucoup de difficulté à gérer la situation vis-à-vis de moi-même, alors gérer les états d’âme des autres n’était pas une priorité.

Je crois qu’un jour ma sœur m’a dit : « Remi, je ne vais pas pouvoir garder ça pour moi. »

Nous avons décidé de leur annoncer de vive voix lors de la prochaine réunion de famille. Nous nous sommes préparés de façon très minutieuse pour les rassurer le plus possible. M, ma sœur, s’est informée auprès de l’association AIDES à laquelle elle a pu poser toutes les questions qu’elle avait. Elle a ainsi rédigé tout un texte très pragmatique sur ce que c’était qu’être séropo en 2008.

De mon côté, après coup, ce qui me tracassait c’était d’avoir attendu un long mois avant de leur en parler. J’avais plus ou moins le sentiment de les avoir mis de côté, et même si je ne culpabilisais pas du tout, j’avais envie qu’ils sachent ce qu’il s’était passé ce jour où j’ai appris ma séropositivité et qu’ils aient l’impression d’avoir été là. J’ai donc rédigé une lettre dans laquelle j’ai raconté cette journée du 26 novembre 2008.

Nous voilà arrivés au 24 décembre, chez I, mon autre sœur, avec la détermination et la peur au ventre, en tous cas pour moi. Dans un premier temps nous nous étions dit que nous en parlerions après le 26, une fois les cadeaux offerts et le repas terminé. Finalement cette journée du 25 a été une horreur. Ma sœur et moi étions dans l’attente de nous libérer de cette annonce. Je me rappelle que nous nous sommes croisés dans un couloir de la maison et que nous nous sommes regardés comme pour nous dire « c’est maintenant ». Il devait être 23h ce soir-là lorsque M a demandé à mes parents et I de se réunir. Je crois que le mari de M s’était un peu mis à l’écart. Je n’ai pas pu ouvrir la bouche. C’est M qui a pris la parole.

Je me souviens qu’I et ma mère étaient en face de moi, je me souviens de leurs cris, de leurs pleurs.

Je me souviens de tout.

Je me souviens de la honte que j’ai ressentie (honte que je ne justifie pas mais qui était bien là).

J’ai eu l’impression de briser toute ma famille ce soir-là, et évidemment cela serait notre pire noël. M a continué de mener la conversation, s’est voulue rassurante et a tout fait pour absorber l’effroi qui planait juste au-dessus de nous.

Je me rends compte d’une chose et je ne saurais pas du tout l’expliquer. Je ne vois pas mon père dans mes souvenirs, je ne me souviens pas de sa réaction, ni s’il a eu des mots envers moi. Peut-être devrais-je lui demander ?

Nous avons donné nos lettres respectives à la famille : M son manifeste sur la séropositivité et moi sur cette fameuse journée où je l’ai découverte. Ils ont lu. On a beaucoup parlé. Forcément une question : comment ?

Je n’ai jamais vraiment répondu à cette question car finalement qu’est-ce que cela apporterait à tout ça ? Le verdict changerait-il en fonction de ma réponse à cette question ? Non.

Nous sommes allé•e•s nous coucher. Je crois avoir bien dormi. Je me suis réveillé ce 26 décembre en m’inquiétant d’une chose : est-ce qu’iels vont changer ? Est-ce qu’iels vont être là ? Je me revois descendre pour le petit déjeuner, ce lendemain de Noël, et finalement toutes mes inquiétudes ont disparu aussitôt. Les étreintes et baisers appuyés de ma mère, les sourires de mes sœurs et mon père.

Rien n’avait changé, sauf une chose : je les sentais beaucoup plus proches de moi. Nous étions plus proches. Ce n’était peut-être pas le Noël que nous aurions souhaité, ni le meilleur moment pour l’annoncer, mais y a-t-il un bon moment de toute façon ?

J’ai beaucoup de chance et je le sais. J’ai l’amour inconditionnel de ma famille et c’est véritablement un cadeau que je mesure pleinement. J’ai rencontré des personnes dont les parents ne supportent pas que leurs enfants s’éloignent du chemin qu’ils avaient projeté pour eux. J’ai beaucoup de peine lorsque j’entends ce genre d’histoire car même si ces personnes disent n’en avoir rien à faire que leur famille les ait abandonnées, je sais à quel point les avoir auprès de soi peut rendre plus fort.



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